Aller au contenu

Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est dans le métayage romain la moitié des fruits recueillie par le propriétaire du fundus instructus ; dans les pays celtiques et germaniques la moitié du croît du troupeau perçue par celui qui a donné des vaches en cheptel ; — toute la hiérarchie sociale découle de ces rapports dans la société irlandaise primitive ; — c’est, dans les coutumes les plus anciennes de la pêche, la part du poisson attribuée à la barque et aux filets[1] ; c’est, au moyen âge, la société commerciale où l’un apporte son industrie, l’autre sa marchandise et où l’on partage le gain par moitié[2] ; c’est, de nos jours encore, dans la marine grecque, qui a conservé les plus anciens usages de la mer, les parts reconnues au corps du navire et au gréement[3].

Et comme la civilisation repasse toujours par les mêmes chemins, à cause de la permanence de la nature morale de l’homme, actuellement, dans le Far-West américain, les deux contrats dans lesquels au moyen âge le capital révélait son action, le cheptel de bestiaux et le métayage, jouent un rôle très important dans la colonisation. Le premier de ces contrats attire des capitaux sur des espaces où la terre n’a aucune valeur et où le travail humain en a seul ; le second aide au prolétaire qui n’a que ses bras et ceux de sa famille à devenir sûrement propriétaire foncier[4].

Dans les métiers, il est vrai, quand l’outillage consistait uniquement en quelques outils dont l’artisan pouvait être facilement propriétaire, l’intérêt et l’entretien de ce capital rudimentaire se confondaient avec son salaire et réalisaient l’équation chère aux économistes de sentiment[5].

  1. V. un exemple de ces coutumes dans le tome IV des Ouvriers européens, de F. Le Play, monographie du pêcheur de Saint-Sébastien.
  2. V. Endemann, Studien in der Romanisch-Kanonistischen Lehre, t.I, pp. 357 à 360.
  3. V. une description de ces coutumes dans l’ouvrage intitulé Ambelakia ou les associations et les municipalités helléniques, par F. Boulanger (Paris, Guillaumin, 1875, in-12). Sur 70 parts, entre lesquelles est réparti le fret gagné dans un voyage, 10 sont attribuées au navire, 10 au gréement, 3 au capitaine, et le reste aux 35 matelots suivant la fonction de chacun.
  4. V. dans les Ouvriers des deux mondes, publiés par la Société d’économie sociale, notre Monographie d’un métayer du Texas (Paris, Didot, 1892).
  5. Ce serait cependant une erreur que de se représenter, dans les siècles passés, tout le régime du travail comme reposant sur les métiers libres et les corporations. Dans la féodalité, un certain élément capitaliste se joignait à la possession territoriale et à la puissance militaire. Les seigneurs avaient, selon la coutume des lieux, la disposition d’un nombre déterminé de corvées qu’ils pouvaient employer à leur profit en travaux productifs ; de plus ils avaient le monopole des moulins, des fours, des pressoirs, parfois des animaux reproducteurs sous la forme de banalités. Les forêts, avec les mines qu’elles contenaient, et les cours d’eau avaient fini par leur être attribués comme un apanage de la justice. En fait, ils étaient les seuls à avoir des exploitations minières, des forges et des usines hydrauliques. En Allemagne, au xviie siècle, le monopole des distilleries avait été attribué aux seigneurs et devint, avec les progrès de la consommation de l’alcool un élément important de leur fortune.