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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/90

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des moyens de paiement dérivés du crédit, qu’on appelle la circulation fiduciaire.

Nous verrons dans le chapitre suivant comment les capitaux, formés peu à peu dans l’ensemble de la société, sont recueillis par les banques, qui les portent sur les points du monde où ils peuvent produire le plus d’effet utile, et les mettent sous les formes diverses du crédit à la disposition de l’industrie et du commerce.

VII. — Les princes marchands d’autrefois, qui se suffisaient à eux-mêmes, sont de l’histoire ancienne. Sauf quelques situations exceptionnelles, comme les Van der Bilt et les Jay Gould, ils ne peuvent vivre dans le milieu économique moderne, qui, par certains côtés, s’est fort démocratisé. Pour risquer dans les affaires de pareilles fortunes, il fallait et l’influence politique qui y était jointe et la perspective de gros profits. Or, les profits industriels et commerciaux de 20 et 30 pour 100 qui étaient fréquents, il y a « ? » siècle, qui se produisaient encore à l’époque de la constitution de la grande industrie à l’aide du régime protecteur, n’existent plus aujourd’hui. Les profits ont baissé du même pas que l’intérêt des capitaux. Des familles, qui possèdent une grande fortune héréditaire, ne la risquent pas dans les entreprises commerciales pour la perspective seulement d’un gain de 5 ou 6 pour 100. Ceux qui tentent ces chances demandent leurs capitaux au crédit pour la plus grande partie.

Le nouveau commerçant a évidemment d’immenses avantages pour soutenir la lutte, dit W. Bagehot. Admettons qu’un négociant ait un capital à lui de 1.250.000 francs ; pour que ce capital lui rapporte 10 p. 100, il lui faut faire 125.000 francs de bénéfices annuels, et il doit vendre ses marchandises en conséquence ; si un autre marchand, au contraire, n’a que 250.000 francs à lui et qu’au moyen de l’escompte il emprunte un million (et ce n’est pas là un cas extraordinaire dans le commerce moderne), il se trouve à la tête d’un capital semblable de 1.250.000 francs et peut vendre à beaucoup meilleur marché. S’il a emprunté au taux de 5 pour 100, il devra chaque année payer 50.000 fr. d’intérêts ; et si, comme le vieux commerçant, il réalise 125.000 francs de profits par an, il lui restera