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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/91

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encore, après avoir déduit les intérêts qu’il doit, une somme annuelle de 75.000 francs, c’est-à-dire que son capital de 250.000 francs lui rapportera 30 pour 100. La plupart des négociants se contentent de beaucoup moins que ce revenu de 30 pour 100 ; il pourra donc, s’il le veut, abandonner, une partie de ce profit, abaisser le prix de ses marchandises et chasser ainsi du marché le commerçant qui n’est plus de son époque, c’est-à-dire celui qui travaille avec son propre capital. La certitude de pouvoir se procurer de l’argent en escomptant du papier ou autrement, et cela à un taux d’intérêt modéré, fait que, dans le commerce anglais moderne, il y a une sorte de prime à travailler avec un capital d’emprunt et une sorte de défaveur constante à se borner uniquement à son propre capital, ou à s’appuyer principalement sur lui[1].

Trois circonstances nécessitent de plus en plus pour les industriels l’appui du crédit, à savoir : la nécessité de produire en grand pour pouvoir utiliser les machines, la nécessité de devancer par leur production la consommation, ce qui amène la constitution des grands approvisionnements disponibles, la nécessité de chercher au loin des débouchés pour les produits et de se procurer les matières premières aux lieux de production en supprimant les intermédiaires, autant que possible, et en se les assurant à l’avance à des conditions certaines par les marchés à terme.

Une partie des capitaux s’engage sous forme de commandite, c’est-à-dire moyennant une participation aux profits et aux pertes ; mais cet engagement, fait pour un temps assez long, ne convient pas aux personnes qui désirent conserver la disponibilité à bref délai de leurs capitaux. Or, la rapidité moderne des affaires leur fournit précisément trois modes d’emploi qui remplissent cette condition : l’escompte des effets de commerce, les prêts garantis par des warrants

  1. Lombard-Street ou le marché financier en Angleterre (trad. française. Paris, 1874, Germer-Baillière), pp. 8 et 9. Bagehot, qui dans le cours de sa carrière avait assisté à cette transformation, constate que le nivellement constant des maisons de commerce anglaises a été peu favorable à la moralité commerciale, mais qu’il a été singulièrement favorable à l’esprit d’initiative. « Aucun pays ayant un grand commerce héréditaire, aucun pays européen tout au moins, ne fut jamais aussi éveillé, pour employer le mot propre, que l’Angleterre ; aucun pays ne met autant de promptitude à profiter des avantages nouveaux. »