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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Ses perplexités ne furent jamais plus vives qu’alors. À la suite de sa conférence avec Boisdeffre, le jour où il connut le dossier secret, il avait dit à Picquart que sa police particulière lui avait fourni des preuves (qu’il ne précisa pas) de la culpabilité de Dreyfus[1]. Mais il continuait à lui donner l’impression qu’il était aussi convaincu que lui-même du crime d’Esterhazy[2]. Il avait peur de Boisdeffre, mais n’eût pas été fâché de lui jouer un tour. D’une curiosité excitée, il invita Picquart à faire perquisitionner chez Esterhazy[3]. Picquart observa qu’Esterhazy était averti ; certainement, « tout ce qu’il avait d’important, il l’avait déménagé à Rouen », où il avait dû suivre son régiment. Néanmoins, Picquart chargea Desvernine de faire « le nécessaire[4] ».

L’agent, sous prétexte de louer l’appartement d’Esterhazy, le visita. « Les cheminées étaient remplies de papiers brûlés[5] » ; mais deux cartes de visite traînaient à terre[6]. Desvernine s’en empara et les porta à Picquart. Elles étaient de Drumont. Dans l’une, le directeur de la Libre Parole remerciait Esterhazy pour

  1. Testament de Picquart : « Le général de Boisdeffre vit le ministre, et, après leur conférence, celui-ci me parut tout retourné. Il me dit ostensiblement (et je me permets de croire que ce n’était pas vrai) que… ». — Voir Appendice III.
  2. Revision, 113, Picquart ; Cass., 1, 12 ; Rennes, I, 178, Billot.
  3. Procès Zola, I, 300, 333 ; Cass., I, 169 ; Rennes, 446, Picquart.
  4. Procès Zola, I, 300, Picquart : « Je dis à l’agent : « Voilà ce qu’on me demande, je crois qu’une perquisition serait un four. » Il me répondit : « Il y a une chose bien simple. Il est allé à Rouen ; mais je ne sais pas s’il a déménagé ; je vais m’en assurer. » Je crois me souvenir qu’il me dit, en outre, qu’il y avait un écriteau indiquant que l’appartement était à louer… etc. »
  5. Procès Zola, I, 333 ; Cass., I, 170 ; Rennes, I, 446, Picquart.
  6. Procès Zola, I, 300, Picquart.