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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


défenseurs de Dreyfus. Le duc d’Orléans passa ouvertement à l’antisémitisme[1], et petit-fils d’une protestante, tourna le dos aux protestants, moins répugnants que les juifs, mais qui ne valent pas mieux, qui ne sont pas « de vrais Français[2] ».

Ainsi, au seuil du vingtième siècle, recommençait la Ligue, explosion subite, en apparence, et qui parut telle aux esprits superficiels, mais qui, en fait, avait été préparée, couvait depuis longtemps. Le cas de Dreyfus ne fut que le prétexte, comme cela fut avoué par le pape lui-même[3]. Ce qu’on voulait, c’était étrangler la société laïque, « reviser la Révolution, faite au seul profit de la bourgeoisie et confisquée par les Juifs[4] », abolir les dieux étrangers, les « faux dogmes de quatre-vingt neuf[5] ».

XI

Tout de suite, les meneurs, moines et nobles, lancèrent le désordre dans la rue et, d’abord, selon la vieille tactique, contre les juifs.

  1. Discours de San Remo.
  2. Ernest Renault, Le Péril protestant, 26 : « Le patriotisme des protestants est des plus douteux. Ils ont toujours été tels qu’ils sont encore de nos jours : des révoltés et des antipatriotes. » 29 : « Les religions sont des races : or, le protestantisme est une importation allemande, antifrançaise ; les protestants s’appliquent toujours à faire à la France le plus de mal possible. » Le livre de Renault, lancé par toute la presse royaliste, fut enlevé, en peu de temps, à vingt éditions.
  3. Voir p. 54.
  4. Drumont, Libre Parole du 11 février 1898.
  5. Enquête sur la monarchie, lettre de Paul Bourget.