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RENNES

La plupart des revisionnistes (sans chercher à dégager ce qu’il avait mêlé à ses menteries de vérités, notamment sur la façon dont le bordereau avait été pris chez le concierge de l’ambassade, « intact dans son enveloppe », et déchiré ensuite par Henry) se satisfirent de la commode explication « que le misérable ne trouverait jamais le courage d’avouer son crime ».

II

Ce qu’on attendait surtout, c’était Dreyfus.

Sauf pour quelques amis d’autrefois, ses anciens chefs et ses anciens camarades de l’État-Major, et les journalistes qui avaient assisté à la dégradation, il n’était qu’un nom, un symbole, d’innocence ou d’infamie, l’inconnu.

Il s’était laissé arracher dans ces derniers temps quelques confidences sur son séjour à l’île du Diable, confidences très incomplètes encore, parce qu’il avait la pudeur de ses souffrances, une espèce de terreur à se les rappeler et le souci d’éviter aux siens une vision trop précise de son martyre, mais qui, venues aux journaux par Mathieu Dreyfus[1], avaient provoqué un mouve-

  1. Ces récits de Mathieu Dreyfus furent divulgués par Havet (lettres du 8 et du 21 juillet 1899), par Clemenceau (Aurore du 9) et par moi (Siècle du 7 et du 12). — Guillain (note du 8) déclina toute part dans les actes de barbarie qui avaient été exercés contre Dreyfus et qui sont, en effet, antérieurs au ministère Dupuy, sauf la suppression des lettres et des vivres en février-mars 1899, mais dont la responsabilité incombe manifestement à Deniel seul. (Voir p. 48.) Lebon (lettre du 12) esquissa la justification qu’il devait présenter au procès de Rennes. (Voir p. 381.)