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LA REVISION


faire enfin leur part aux officiers républicains, il ne fallait pas retourner l’injustice contre les autres ; il ne fallait demander de profession de foi à aucun, parce que « l’armée ne doit jamais juger la politique[1] » ; il fallait seulement exiger de tous qu’ils fussent loyaux et fidèles, parce que la fidélité et la loyauté envers le gouvernement légal du pays est l’une des vertus professionnelles du soldat qui commande à d’autres soldats[2].

Mieux instruit des choses de l’armée, Waldeck-Rousseau aurait repoussé également la seconde des solutions que lui offrait André.

Elle était moins brutale que la suspension de la propriété du grade ; elle était plus malicieuse. C’était tout autre chose de promouvoir sur de simples listes de présentation une cinquantaine de généraux, comme Galliffet l’avait décidé, ou des milliers d’officiers. Le ministre de la Guerre peut étudier lui-même les dossiers des uns qu’il doit connaître personnellement ; il ne peut examiner à lui seul les dossiers des autres ; quelle que soit sa capacité de travail, il abandonnera aux officiers de son cabinet « la formidable tâche de contrôler » les présentations et d’y faire un choix[3]. Les commissions de classement peuplaient les grades hauts et moyens d’officiers bien apparentés, qui se tar-

    cours d’André : « Il me dit : Agissez avec prudence et résolution. »

  1. Cinq ans, 16 : « Tout cela fut résumé par Waldeck-Rousseau en quelques-unes de ses formules concrètes et pleines, frappées comme des médailles. » Voir p. 415,
  2. Chambre des Députés, séance du 4 novembre 1904, discours de Jaurès : « Cette vertu professionnelle par excellence de l’officier sous la République, le dévouement aux institutions républicaines… »
  3. Chambre des députés, séance du 17 janvier 1902, discours d’Adrien de Montebello, de Le Hérissé et de Berteaux.