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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mée ; ainsi s’était formé un corps d’officiers qui tenait le dévouement aux institutions du pays pour une tare. Comme ce corps d’officiers était maître de l’avancement par ses commissions de classement, les républicains avaient sujet de s’alarmer d’un commandement qui leur était plus contraire de jour en jour et se perpétuerait mécaniquement en vertu de la loi. Il y avait nécessité à extirper de l’armée cette hérésie, devenue souvent une vérité de fait : que la haine ou le dédain de la République était la première condition requise pour avancer.

Avant d’appeler André à la succession de Galliffet, Waldeck-Rousseau l’avait longuement entretenu de cette question du choix des officiers, plus grave tous les ans et que l’Affaire avait violemment éclairée. André apercevait deux moyens de mettre un terme à l’ostracisme dont étaient frappés les officiers suspects d’attachement à la République : l’un, qu’il qualifia lui-même de « révolutionnaire » : suspendre pour un temps, comme on avait fait de l’inamovibilité des juges, la loi de 1834 sur l’état des officiers et la propriété des grades ; l’autre « pacifique » : réduire le rôle des commissions de classement à dresser des listes de présentation, dépassant du double ou du triple les nominations à faire ; le ministre y choisira dans l’ordre qui lui conviendra[1]. Waldeck-Rousseau écarta la première de ces mesures, sans s’étonner assez qu’André la lui eût proposée ; la seconde lui parut acceptable, parce qu’André lui fit valoir le précédent de Galliffet qui avait déjà réservé au ministre seul la nomination des officiers généraux[2]. Il lui recommanda toutefois de procéder avec beaucoup de prudence[3] ; s’il était juste de

  1. Cinq ans de Ministère, 12 à 16.
  2. Voir p. 45 et 65.
  3. Chambre des députés, séance du 4 novembre 1904, dis-