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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


exclusivement sur la pièce Canaille de D…, et ils n’ont conservé qu’un « souvenir très vague des autres pièces qui l’accompagnaient[1] ».

Il faut se résigner au vague de ces souvenirs, sollicités, après quatre années écoulées, par un ancien ministre, au milieu d’une tempête de guerre civile, quand l’honneur de l’armée paraît en cause, quand tout officier, dont la mémoire fidèle dément les grands chefs, qui tient son serment de dire toute la vérité, sera honni, frappé de suspicion, accusé d’avoir vendu son témoignage.

Pourtant, les réponses mêmes de Gallet, d’Echemann, et de Roche, qui ne pourraient pas « jurer qu’ils n’ont pas vu la dépêche italienne », éclairent encore cette pénombre[2].

Aussi bien, le document capital, décisif, qui devait surtout frapper ces officiers, qui attira « presque exclusivement » leur attention (Gallet, Echemann)[3], dont le souvenir leur est resté « très net » (Roche)[4], qui fera dire, deux ans plus tard, à Freystætter « que Dreyfus fut condamné pour avoir livré les plans de Nice[5] », c’est la pièce où la lettre D éclate comme la signature même du bordereau, qui confirme le passage du commentaire sur le voyage de Dreyfus dans les Alpes. L’espionnage y est pris sur le vif, la double trahison, au profit de l’Allemagne et de l’Italie. La pièce eût suffi à elle seule. Les autres pièces (la

  1. Rennes, III, 534, Mercier.
  2. La communication des pièces secrètes fut révélée, le 14 septembre 1896, par l’Éclair. L’article, écrit sous l’inspiration d’Henry, est volontairement inexact. Les mots « ce canaille de D… « sont remplacés par ceux-ci : « Cet animal de Dreyfus. » Et la lettre, écrite en clair, devient une lettre « chiffrée au chiffre de l’ambassade allemande ». La mention d’une pièce chiffrée, quelle qu’elle soit, est significative. Voir t. II, 348.
  3. Rennes, III, 535.
  4. Ibid., 534.
  5. Cass., I, 472, Hipp. Laroche. — Voir Appendice XV.