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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


si vite évanouie ? Quoi ! il ne renvoie pas Du Paty à Dreyfus : « Vous avez fini par avouer ; dites tout ! »

Loin que le récit de Lebrun-Renaud ait donné à Mercier « la conviction complète que les aveux avaient été faits[1] », il lui fut une preuve du contraire, preuve dont il n’avait nul besoin, et une raison de faire le silence sur la prétendue confession du condamné. En conséquence, l’officier reçut l’ordre menaçant de ne plus parler de ces choses, de se taire absolument de la mission de Du Paty, qui doit rester secrète[2], et de l’ambassade d’Allemagne où la pièce a été volée. Il doit décliner toute conversation au sujet de ses rapports avec Dreyfus.

Mercier avait à peine formulé l’impérative consigne qu’un nouvel incident se produisit. Le Président de la République venait de lire l’article du Figaro, la conversation de Lebrun-Renaud avec Clisson. Et, non seulement il s’est indigné de l’inconvenance d’un officier qui, « chargé d’une telle besogne[3] », s’en va raconter à des journalistes, dans un bal de filles, les confidences d’un homme condamné pour trahison, mais surtout, comme il sait avec quelle attention l’ambassadeur d’Allemagne et l’Empereur Guillaume lui-même lisent les journaux, il s’alarme du parti que, tout à l’heure, dans l’audience qui a été fixée pour l’après-midi, le comte de Munster va tirer de cette affirmation de Dreyfus que le bordereau a été pris dans un chiffonnier de l’ambassade. Dreyfus, évidemment, n’ignore pas sur quelles preuves

  1. Rennes, I, 103, Mercier. — Voir Appendice XXI.
  2. Cette mission fut ignorée jusqu’au 14 janvier 1898, date à laquelle Mme Dreyfus, dans une lettre à Cavaignac, raconta l’incident et publia la lettre de son mari à Mercier, à l’issue de cette visite. — Voir Appendice XXI.
  3. Rennes, I, 64, Casimir-Perier.