Page:Journal asiatique, série 1, tome 1.djvu/23

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lui avons dit un dernier adieu. Hélas ! les jours de l’homme ne sont qu’un prêt de peu de durée, et nous disparaissons comme une parole qui n’a point de sens. Chaque fois que quelqu’un m’entretient de mon frère, je sens que mon cœur souffrant et plaintif ne peut s’attacher à d’autres qu’à lui. Salut à mon frère bien-aimé, à toute heure du jour, soit qu’il reste volontairement éloigné de nous, soit qu’une dure nécessité le condamne à en être séparé ! »

Une femme arabe dont le fils avait été fait prisonnier avec Dhérar, se trouvant alors dans la maison de Khoulah, fille d’Al-Azwar, se plaint ainsi de sa perte :

« Ô mon fils ! la tristesse a consumé mon cœur. Mes larmes ont brûlé le passage qui leur donne issue, et elles ont allumé le feu de la douleur ; mes entrailles ont recélé des flammes cruelles qui les dévorent. J’interroge avidement tous ceux qui arrivent ici montés sur leurs chameaux, dans l’espoir qu’ils me donneront de tes nouvelles, ô mon fils ! et que ma couche, pendant la nuit, sera moins tourmentée. Mais hélas ! nul n’a pu, jusqu’à présent, m’instruire de ton sort ; nul n’a pu me dire que tu reviendras. Ô mon fils ! depuis que je ne te vois plus, ma vie est abreuvée d’amertume, et mes yeux sont toujours noyés de larmes. Mes facultés sont anéanties, et ma demeure n’est plus qu’un désert. Si tu vis encore, je me résous à passer dans le jeûne une année entière ; mais s’il en est autrement, quel remède l’homme peut-il apporter à ce malheur ! »