Page:Journal asiatique, série 1, tome 1.djvu/25

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son affection ; puis il prie ses bienfaiteurs de transmettre aux musulmans et à sa sœur, le discours en vers qu’il va leur dicter :

« Ô vous, qui m’êtes si secourables, je vous conjure, au nom de Dieu, de porter mes derniers adieux à la Mecque et au mur sacré qui enferme le temple. Puissiez-vous, tant que vous vivrez, goûter mille délices ! Que la gloire, la félicité et l’assistance céleste vous accompagnent sans cesse ! puissent-ils n’être point perdus auprès de Dieu, les bienfaits que je reçois de vous ! Déjà je sens que mes vives douleurs sont adoucies. Vos soins compatissans m’ont procuré du soulagement et du repos. C’est ainsi que les hommes doivent faire entre eux un noble échange d’actions généreuses. Non, et j’atteste ici le temple sacré de Dieu, la mort n’est pas ce qui m’afflige ; mais ce qui cause toute ma peine, c’est le sort malheureux de ma mère avancée en âge, que j’ai laissée dans des lieux déserts et incultes. Privée de toute ressource, elle manque de force pour résister aux coups de la fortune ; elle n’a point d’autre asyle que les déserts ; point d’autre nourriture que l’absinthe, l’aurone et l’herbe sauvage. J’étais son unique appui, après qu’elle eut perdu les hommes à qui elle avait engagé sa foi ; et, quoique je fusse pauvre, je faisais tous mes efforts pour lui procurer une subsistance honorable. Je la nourrissais des bêtes fauves qui tombaient en mon pouvoir. Tour à tour je lui apportais des lièvres, des gerboas, des petits de chamois, de jeunes gazelles, des fruits du lotus et des génisses, habitantes des dé-