Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/109

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qu’elle peut dire pour s’excuser. Aquilant les emmène ainsi par les châteaux et les villages jusqu’à Damas. Il les traînera pendant mille milles et plus, s’il le faut, sans égards pour leurs souffrances et leurs gémissements, jusqu’à ce qu’il ait retrouvé son frère, qui disposera d’eux à sa guise.

Aquilant fait aussi revenir avec lui leurs écuyers et leurs bagages, et ils arrivent tous à Damas. Là, le nom de Griffon retentit par toute la ville. Petits et grands, chacun sait maintenant que c’est lui qui a si bien combattu dans le tournoi, et que la gloire lui en a été ravie par la trahison de son compagnon.

La population tout entière, qui reconnaît le vil Martan, le montre du doigt : « N’est-ce pas là — disait-on — n’est-ce pas ce ribaud qui s’attribue les exploits d’un autre, et couvre de son infamie et de son opprobre celui dont la valeur n’avait mérité que des éloges ? N’est-ce pas là l’ingrate femme qui trahit les vaillants en faveur des lâches ? »

D’autres disaient : « Comme ils sont bien ensemble ! tous deux sont de même race et marqués au même coin. » Les uns les couvrent d’imprécations ; les autres les suivent en criant : « Qu’on les pende, qu’on les brûle, qu’on les écartèle, qu’on les assomme ! » On se bouscule pour les voir, on se presse pour se trouver sur leur passage dans les rues et sur les places. La nouvelle de leur capture est apportée au roi, qui en témoigne plus de plaisir que si on lui eût donné un second royaume.

Sans avoir beaucoup d’écuyers qui le précèdent