Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/13

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Il passa par plus d’une plaine et plus d’un bois ; il franchit plus d’une montagne et plus d’une vallée, ayant souvent, soit de jour, soit de nuit, des brigands devant lui ou derrière ses épaules. Il vit des lions, des dragons pleins de venin, et d’autres bêtes féroces traverser son chemin. Mais aussitôt qu’il avait porté le cor à sa bouche, ils s’enfuyaient épouvantés.

Il marcha à travers l’Arabie qu’on appelle Heureuse, riche en myrrhe et en encens parfumé, et que le phénix sans pareil a choisi pour séjour de préférence au reste de l’univers, jusqu’à ce qu’il découvrît la mer où, pour venger Israël, Dieu permit que Pharaon et tous les siens fussent submergés. Puis il arriva à la terre des héros.

Il chevaucha le long du fleuve Trajan sur ce destrier qui n’a pas son égal au monde, et qui court ou saute si légèrement, que la trace de ses pas ne paraît point sur le sable. Il passe également sur l’herbe sans la fouler, ou sur la neige sans y laisser d’empreinte. Il pourrait marcher sur la mer les pieds secs, et sa course est si rapide, qu’elle dépasse le vent, la foudre et la flèche.

C’est le destrier qui appartint à l’Argail, et qui fut conçu de la flamme et du vent. Sans avoir besoin de foin ni d’avoine, il se nourrit d’air pur, et on le nomme Rabican. Le duc, poursuivant sa route, parvint à l’endroit où le fleuve Trajan est reçu par le Nil, et un peu avant d’arriver à son embouchure, il vit venir à lui une barque rapide.