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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/15

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« Prends cette autre voie ; prends-la, mon fils ; elle te conduira sur un rivage tout à fait sûr. » « Je te rends grâce de ton conseil, mon père — répondit le chevalier sans manifester la moindre peur, —mais l’honneur me fait mépriser le danger ; l’honneur dont j’ai beaucoup plus souci que de la vie. Tu m’engages en vain par tes paroles à passer sur l’autre bord ; je vais au contraire droit à la recherche de la caverne.

« En fuyant, je puis me sauver au prix du déshonneur ; mais j’ai un tel moyen de salut plus en horreur que la mort. Si je vais en avant, le pire qui puisse m’arriver c’est de succomber comme beaucoup d’autres. Mais si Dieu daigne diriger mes armes de façon que je tue le monstre et que je sorte vivant du combat, j’aurai rendu la voie sûre à des milliers de personnes ; ainsi l’utilité de l’entreprise l’emporte sur le danger à courir,

« Puisque je risque la mort d’un seul pour le salut d’une infinité de gens. » « Va-t’en en paix, mon fils — répondit le vieillard. — Que Dieu envoie, du haut des demeures suprêmes, l’archange Michel pour protéger ta vie. » Puis l’humble ermite l’ayant béni, Astolphe poursuivit sa route le long du Nil, espérant plus dans le son de son cor que dans son épée.

Entre le fleuve profond et un marais, est tracé sur la rive sablonneuse un petit sentier qui aboutit à la demeure solitaire du géant inhumain et féroce. Tout autour sont accrochés les têtes et les membres dénudés des infortunés qui y sont