Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/16

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venus. De chaque fenêtre, de chaque ouverture pendent quelques-uns de ces lugubres trophées.

Comme dans les villas alpestres, ou dans les châteaux, le chasseur, en souvenir des grands périls qu’il a courus, a coutume de clouer aux portes les peaux hérissées, les pattes formidables et les énormes têtes des ours, ainsi le féroce géant faisait parade des dépouilles de celles de ses victimes qui lui avaient résisté avec le plus de courage. Les ossements d’une infinité d’autres sont épars sur le sol, et les fossés sont remplis de sang humain.

Caligorant se tient sur la porte, — c’est ainsi qu’est nommé le monstre impitoyable qui orne de cadavres le seuil de sa demeure, comme d’autres décorent le leur avec des draperies d’or et de pourpre. — A peine s’il peut retenir sa joie dès qu’il aperçoit le duc de loin, car il y avait deux mois passés, et le troisième s’avançait, qu’aucun chevalier n’était venu par ce chemin.

Il se dirige en toute hâte vers le marais qui était couvert d’une épaisse forêt de roseaux verdoyants, comptant y tuer le paladin en l’attaquant par derrière. Il espère, en effet, le faire tomber dans le filet qu’il tenait caché dans la poussière, comme il avait déjà fait des autres voyageurs que leur mauvais destin avait amenés dans ces lieux.

Dès que le paladin le voit venir, il arrête son destrier, craignant qu’il ne donne du pied dans les filets dont lui avait parlé le bon vieillard. Là il a recours à son cor. Le son de celui-ci fait son