Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/153

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écarter Marphise, estimant qu’elle ne peut songer à vaincre dans la seconde joute, car elle n’a pas ce qu’il faut pour remporter la victoire sur ce point.

Mais elle exige de participer au tirage, et, en définitive, le sort tombe sur elle. Elle dit : « Je perdrai la vie avant que vous perdiez la liberté. Mais cette épée — et elle leur montre l’épée qu’elle porte au côté — doit vous rassurer et vous convaincre que je saurai triompher de tous les obstacles, à la façon d’Alexandre qui trancha le nœud gordien.

« Je veux que désormais, jusqu’à la fin des siècles, les étrangers n’aient plus à redouter ce pays. » Ainsi elle dit, et ses compagnons ne peuvent lui refuser de tenter l’aventure. Donc, ils lui laissent courir la chance ou de tout perdre, ou de conquérir leur liberté. Quant à elle, déjà armée de toutes pièces, elle se présente en champ clos pour la bataille.

Au sommet de la ville, s’élève une place tout entourée de gradins, et qui sert uniquement à de semblables épreuves, aux joutes, aux chasses et aux jeux publics. Quatre portes de bronze en ferment l’entrée. Là pénètre la multitude confuse des femmes armées ; puis on dit à Marphise d’entrer.

Marphise fait son entrée sur un destrier blanc, moucheté de taches grises, à la tête petite, au regard de feu, à l’allure superbe et aux formes accomplies. Il avait été choisi à Damas entre mille qui y étaient tout bridés et sellés, comme le meilleur, le plus beau et le plus vaillant ; et, après l’avoir