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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/154

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fait royalement harnacher, Norandin l’avait donné à Marphise.

Marphise entre par la porte du Sud. À son arrivée, l’arène retentit du son clair et aigu des trompettes. Un instant après, ses dix adversaires entrent dans la lice par la porte du Nord. Le chevalier qui marche à leur tête, semble valoir tous les autres ensemble.

Il s’avance sur un grand destrier qui, sauf le front et le pied gauche où se montrent quelques poils blancs, est plus sombre et plus noir qu’un corbeau. Les armes du chevalier, de la même couleur, semblent indiquer que son âme est aussi éloignée de la joie que les ténèbres le sont de la lumière.

Aussitôt que le signal du combat est donné, les neuf autres champions baissent tous ensemble la lance. Mais le chevalier aux armes noires dédaigne l’avantage du nombre ; il se retire de côté et ne semble pas vouloir prendre part à la lutte commune. Sa courtoisie l’empêche de profiter de la loi du pays. Il se retire de côté, et regarde ce qu’une seule lance pourra faire contre neuf.

Le destrier, à l’allure douce et ferme à la fois, porte rapidement la jeune guerrière à la rencontre de ses adversaires. Pendant sa course, Marphise met en arrêt sa lance, si lourde que quatre hommes auraient peine à la soutenir. En quittant le navire, elle l’avait choisie, comme la meilleure, entre beaucoup d’autres. L’air terrible dont elle s’avance fait pâlir mille visages, fait tressaillir mille cœurs.