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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/160

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Je ne puis t’accorder de vivre au delà d’une nuit ; mais je désire que tu ne m’accuses pas, si je ne te laisse pas un plus long répit. Je ne veux pas que la faute en soit rejetée sur moi, mais sur l’impitoyable loi imposée par le sexe féminin qui gouverne ici.

« Celui pour qui rien n’est obscur sait si je te plains, toi et tous les tiens. Tu peux venir dans ma demeure avec tes compagnons ; partout ailleurs, tu ne serais point en sûreté, parce que les femmes dont tu as tué aujourd’hui les maris sont déjà conjurées contre toi, et chacun de ceux à qui tu as donné la mort était le mari de dix femmes.

« Quatre-vingt-dix femmes brûlent de se venger du dommage que tu leur as causé ; de sorte que, si tu ne viens pas loger chez moi, tu dois t’attendre à être attaqué cette nuit. » Marphise dit : « J’accepte ton hospitalité ; je suis sûre qu’elle ne sera pas au-dessous de ta loyauté et de la bonté de ton cœur, ainsi que de ton courage et de ta valeur corporelle.

« Mais ne te tourmente pas à l’idée que tu dois me tuer ; tu peux bien plutôt être tourmenté d’une idée contraire. Jusqu’ici, je ne crois pas t’avoir donné sujet de rire en me montrant un adversaire moins redoutable que toi. Soit que tu veuilles continuer le combat, ou le suspendre, et combattre à la clarté de la lune ou à celle du soleil, tu m’auras en face de toi au moindre signe, comme à chaque fois que tu le désireras. ».

Ainsi fut différée la bataille, jusqu’à ce que l’au-