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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/171

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melles de rapporter des filles s’ils pouvaient en trouver en échange, et, dans le cas contraire, de ne pas revenir du moins les mains vides.

« Elles n’auraient même pas consenti à en garder un seul, si elles avaient pu conserver leur peuple sans leur concours. Telle était la pitié, la clémence de ces femmes, qu’elles étaient plus cruelles envers leurs propres fils qu’envers les étrangers. Ceux-ci continuèrent à subir le même sort ; seulement la loi fut corrigée en ceci qu’on ne les tua plus indistinctement comme autrefois.

« S’il en arrivait dix, vingt ou un plus grand nombre à la fois, ils étaient emprisonnés, et chaque jour l’un d’eux seulement était tiré de prison pour être immolé dans l’horrible temple qu’Orontée avait fait élever, et où se trouvait un autel dédié à la Vengeance. Et c’était à l’un de leurs dix époux désigné par le sort, qu’était réservé le soin de procéder au cruel sacrifice.

« Un grand nombre d’années après, un jeune homme, qui descendait du brave Alcide, et de grande valeur sous les armes, fut jeté sur ces bords inhospitaliers. Il s’appelait Elban. Comme il s’avançait sans aucune défiance, il fut pris avant même de s’en être aperçu, et fut enfermé sous bonne garde, dans une étroije prison où on le garda avec d’autres, pour l’immoler selon l’usage cruel.

« Son visage était si beau et si séduisant, ses manières et sa tournure si distinguées, son langage si doux et si éloquent, qu’un aspic lui-même se serait arrêté pour l’écouter ; si bien qu’on en