Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/193

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« Est-il un chevalier qui, venant à rencontrer, dans la forêt et seule,,unc dame si jeune et si belle, ne voulût la posséder ? » « Elle te convient si bien — dit Zerbin — que ce serait mal de te l’enlever. Pour moi, je ne serai pas assez indiscret pour jamais t’en priver. Jouis-en donc.

« Si, pour un autre motif, tu veux éprouver ce que je vaux, je suis prêt à te le montrer ; mais ne me crois pas assez aveugle pour que je consente à rompre une seule lance pour elle. Qu’elle soit laide ou belle, garde-la ; je ne veux pas troubler la grande affection qui règne entre vous deux. Vous êtes très bien accouplés ; je jurerais que tu es aussi vaillant qu’elle est belle. »

Marphise lui répliqua : « Malgré toi, il faut que tu essaies de me l’enlever. Je ne souffrirai pas que tu aies vu un aussi charmant visage, et que tu ne tentes pas de le conquérir. » Zerbin lui répondit : « Je ne vois pas pourquoi un homme s’exposerait au péril ou à l’ennui pour remporter une victoire dont le vaincu se réjouirait, tandis que le vainqueur en serait très fâché. »

« Si cette proposition ne te paraît pas bonne — dit alors Marphise à Zerbin — je vais t’en faire une autre que tu ne dois pas refuser : si je suis vaincue par toi, cette dame me restera ; mais si je te renverse, force te sera de la prendre. Donc, voyons qui de nous deux doit en être débarrassé. Si tu perds la partie, tu devras l’accompagner partout où il lui plaira d’aller. »

« Qu’il en soit ainsi, » répondit Zerbin ;