Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/213

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trine oppressée ne s’échappaient jamais que de profonds soupirs. Il était devenu un nouvel Oreste, poursuivi, après le meurtre de sa mère et d’Égisthe, par les Furies vengeresses. Cette douleur incessante finit par le rendre malade et par le clouer sur son lit.

« Alors, cette courtisane, voyant combien elle était détestée de lui, changea la flamme naguère intense de son amour en haine, en colère ardente, enragée. Non moins furieuse contre mon frère qu’autrefois contre Argée, la scélérate prit ses mesures pour faire disparaître de ce monde ce second mari, comme elle avait fait du premier.

« Elle alla trouver un médecin plein de perfidie ; propre à semblable besogne, et qui savait mieux tuer les gens à l’aide du poison, que guérir les malades à l’aide de cordiaux. Elle lui promit de lui donner bien plus que ce qu’il lui demanda, après qu’il aurait, au moyen d’une potion mortifère, fait disparaître son maître de devant ses yeux.

« Déjà l’infâme vieillard, en ma présence et devant plusieurs autres personnes, s’approchait du lit, le poison à la main, disant que c’était une potion excellente pour remettre mon frère en bonne santé ; mais Gabrine, avant que le malade n’eût bu, soit qu’elle voulût se débarrasser d’un complice, soit pour ne pas lui payer ce qu’elle lui avait promis,

« Lui prit la main, au moment où il présentait la tasse où était contenu le poison, en disant :