Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/239

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près de mourir. Tout d’abord il s’étonne ; puis il s’aperçoit que le voile pendait à gauche de l’écu, je veux dire le voile de soie avec lequel il cachait d’habitude la terrifiante lumière.

Il se retourne vivement, cherchant des yeux sa bien-aimée Bradamante. Il court à l’endroit où elle était restée quand la première lutte s’était engagée. Ne l’y trouvant pas, il pense qu’elle s’en est allée secourir le jouvenceau, de crainte qu’on ne le livre aux flammes si elle s’arrête plus longtemps à regarder le combat.

Parmi ceux qui gisaient étendus, Roger voit la dame qui l’avait conduit. Il la place, encore évanouie, sur le devant de sa selle, et poursuit son chemin, l’esprit tout troublé. Il recouvre l’écu avec un manteau que la dame avait par-dessus ses vêtements, et celle-ci recouvre ses sens aussitôt que la malfaisante lumière est cachée.

Roger s’en va, le visage rouge de honte. Il n’ose lever la tête. Il lui semble que chacun est en droit de lui reprocher une victoire si peu glorieuse. « Que pourrai-je faire — disait-il — pour me faire pardonner une action si honteuse ? Toutes les fois que je vaincrai désormais, on dira que c’est grâce à des enchantements, et non à ma vaillance. »

Pendant qu’il s’en allait, roulant ces pensées, il arriva dans un lieu où il trouva l’occasion de mettre à exécution le projet qu’il méditait. Il rencontra à l’improviste sur sa route un puits profond où les troupeaux venaient se rafraîchir, au