Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/240

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moment de la grosse chaleur, dans un abreuvoir plein d’eau. Roger dit : « Maintenant, écu maudit, je vais prendre mes mesures pour que tu ne me fasses plus jamais honte.

« Je vais me séparer pour toujours de toi ; et ce sera le dernier blâme que tu m’auras attiré en ce monde. » Ainsi disant, il descend de cheval, prend une grosse et lourde pierre, l’attache à l’écu, et les jette tous les deux au fond du puits. « Que ma honte — dit-il — soit ensevelie avec toi et pour toujours. »

Le puits était profond et plein d’eau jusqu’à son ouverture ; l’écu était lourd, lourde était la pierre ; tous deux ne s’arrêtèrent qu’au fond ; au-dessus d’eux, se referma l’eau molle et douce. La renommée ne laissa pas cette noble action ignorée ; elle la divulgua rapidement ; sonnant dans son cor, elle en répandit la nouvelle en France, en Espagne et dans tous les pays environnants.

Le bruit de cette étrange aventure étant parvenu dans tous les coins de l’univers, un grand nombre de chevaliers, venus des contrées voisines ou éloignées, se mirent à la recherche de l’écu. Mais ils ne savaient où était située la forêt dans laquelle se trouvait le puits qui renfermait l’écu magique, car la dame qui avait divulgué la belle action de Roger, ne voulut jamais indiquer le pays ni le lieu.

Roger en s’éloignant du château où il avait vaincu avec si peu d’efforts, et où il avait renversé les quatre redoutables champions de Pinabel