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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/250

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obscures et épaisses, sans que personne vienne l’arrêter ou lui demander où elle va. Vers le milieu du jour, sur le penchant d’une montagne, et dans un sentier étroit et malaisé, elle rencontre Rodomont, tout armé, qui suivait à pied un tout petit nain. Le Maure lève sur elle un front hautain et blasphème toute la hiérarchie des dieux, de ce qu’un si beau destrier, si bien caparaçonné, ne se trouve pas entre les mains d’un chevalier.

Il avait juré d’enlever de force le premier cheval qu’il rencontrerait sur sa route. Or celui-ci est le premier qu’il ait rencontré, et il se trouve justement qu’il n’en a jamais vu de plus beau. Mais l’enlever à une damoiselle lui semble une félonie ; pourtant il brûle de l’avoir. Il hésite ; il le regarde, il le contemple et s’écrie : « Ah ! pourquoi son maître n’est-il pas avec lui ? »

« S’il y était, — réplique Hippalque, — il te ferait peut-être changer d’idée. Ce cheval appartient à quelqu’un qui vaut mieux que toi, à un guerrier qui n’a point son pareil au monde. » « Quel est donc celui qui dépasse ainsi tous les autres en valeur ? » dit le Maure. « C’est Roger » lui répond-elle. Alors Rodomont : « Je veux ce destrier, puisque c’est à Roger, à un tel champion que je le prends.

« S’il est vrai, comme tu le dis, qu’il soit si fort, et qu’il l’emporte en vaillance sur tous les autres, ce n’eet pas seulement le cheval, mais la voiture que je devrai lui rendre et dont je lui