Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/271

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Comment, à la prière de la belle Angélique, il avait transporté dans sa chaumière Médor grièvement blessé ; comment elle avait soigné sa blessure et l’avait guérie en peu de jours, et comment Amour lui avait fait à elle-même une blessure bien plus profonde et l’avait, avec une simple étincelle, embrasée d’un feu si cuisant qu’elle en brûlait tout entière.

Il lui dit comment, sans souci de son rang, car elle était la fille du plus grand roi de tout le Levant, elle fut amenée, par son ardent amour, à devenir la femme d’un pauvre soldat. Il termine son histoire en montrant le bracelet qu’Angélique lui a donné, en le quittant, pour le remercier de son hospitalité.

Cette conclusion est pour Roland comme le coup de hache qui lui détache la tête du cou. Il se voit accablé de tortures innombrables par Amour, ce bourreau. Il s’efforce de cacher son désespoir, mais sa peine est plus forte que lui, et il ne peut la celer. Qu’il le veuille ou non, il faut qu’à la fin elle déborde de sa bouche et de ses yeux par des larmes et des soupirs.

Resté seul, et n’étant plus retenu par la présence d’un témoin, il peut lâcher le frein à sa douleur ; un fleuve de larmes lui coule des yeux sur les joues et tombe sur sa poitrine. Il soupire, il gémit ; il se tourne et se retourne sans cesse sur son lit, qui lui paraît plus dur qu’un rocher et plus piquant que s’il était fait d’orties.

Au milieu de sa souffrance, la pensée lui vient que sur le même lit où il s’agite, l’ingrate dame a dû plus d’une fois venir reposer près de son amant.