Aller au contenu

Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Amour, qui me brûle le cœur, produit ce vent, pendant qu’il agite ses ailes autour du feu. Amour, par quel miracle tiens-tu mon cœur dans le feu sans le consumer jamais ?

« Et moi, je ne suis, je ne suis pas celui que je parais être. Celui qui était Roland est mort, et la terre le recouvre. Son ingrate dame l’a tué, tellement, dans son manque de foi, elle lui a fait une cruelle guerre. Je suis l’âme de Roland, séparée de son corps, et qui erre dans les tourments de cet enfer, afin que mon ombre lamentable serve d’exemple à quiconque a placé son espérance dans Amour. »

Le comte erre toute la nuit par les bois ; quand pointent les rayons de l’astre du jour, son destin le ramène vers la fontaine où Médor a gravé la fatale inscription. La vue de sa propre honte inscrite sur le roc l’embrase d’une telle colère, qu’il ne reste plus en lui une seule pensée qui ne soit haine, rage ou fureur. Sans réfléchir, il tire son épée ;

Il taille l’inscription et le rocher, dont il fait voler les éclats jusqu’au ciel. Malheur à cette grotte et à tous les lieux où se lisent les noms de Médor et d’Angélique ! A partir de ce jour, ils ne verront plus leurs ombres fraîches sur les pasteurs et sur les troupeaux. La fontaine elle-même, naguère si claire et si pure, n’est pas à l’abri d’une telle rage.

Il jette pêle-mêle dans ses belles eaux les branches, les troncs, les racines, les fragments de rochers, les mottes de terre, afin de les troubler si profondément, qu’elles ne puissent plus jamais reprendre