Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/274

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leur limpidité première. Enfin, harassé de fatigue, couvert de sueur, et le souffle venant à manquer à sa haine, à sa fureur, à sa colère ardente, il tombe sur la prairie et pousse des soupirs vers le ciel.

Brisé de douleur et de fatigue, il tombe enfin sur l’herbe. Ses yeux regardent fixement le ciel ; il ne prononce pas une parole. Sans manger et sans dormir, il voit ainsi le soleil disparaître et reparaître trois fois. Sa peine amère ne fait que s’accroître, jusqu’à ce qu’elle l’ait enfin privé de sa raison.. Le quatrième jour, pris d’une grande fureur, il s’arrache du dos et met en pièces plastron et cotte de mailles.

Ici reste le casque, et là reste l’écu ; au loin le harnais et plus loin le haubert. En somme, je dois dire que toutes ses armes furent dispersées çà et là dans le bois. Puis il déchire ses vêtements et montre à nu son ventre velu, toute sa poitrine et son dos. Et alors commence la grande folie, si horrible que jamais personne n’en verra de semblable.

Sa rage, sa fureur arrivent à un tel paroxysme, qu’il ne conserve plus la notion d’aucun sens. Il ne se souvient plus comment on tient en mans l’épée avec laquelle il aurait, je pense, pu faire encore d’admirables choses. Mais son incomparable vigueur n’a besoin ni d’épée ni de hache ; et il en donne de merveilleuses preuves en déracinant, d’une seule secousse, un grand pin.

Il en arrache deux autres comme s’ils eussent été du fenouil, des hièbles ou des aneths. Il en fait