Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/300

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Voici qu’ils en sont aux injures, aux cris, aux exclamations de colère ; ils tirent leurs épées et le choc cruel des deux fers retentit. Ainsi tout d’abord le vent souffle à peine ; puis il commence à ébranler frênes et chênes ; enfin, roulant jusqu’au ciel un nuage de poussière, il déracine les arbres, renverse les maisons, soulève la mer où il déchaîne la tempête, et détruit les troupeaux épars dans la forêt.

Les deux païens sont sans égaux sur terre, Leur audace, leur force prodigieuse leur font frapper des coups et entamer un combat dignes de leur féroce origine. La terre tremble au bruit terrible du choc produit par les épées qui se rencontrent. Les armes jettent au ciel des milliers d’étincelles, et sont comme deux flambeaux embrasés.

L’âpre bataille se poursuit entre les deux rois, sans qu’aucun d’eux éprouve le besoin de se reposer ou de reprendre haleine. Ils cherchent, d’un côté ou d’autre, à ouvrir les pièces de leurs armures, à pénétrer à travers les mailles. Ni l’un ni l’autre ne perd ou ne gagne du terrain. Mais, comme s’ils étaient entourés d’un fossé ou d’une muraille, ils ne s’écartent pas d’un pouce du cercle étroit où ils combattent.

Au milieu de mille coups, le Tartare frappe une fois à deux mains sur le front du roi d’Alger et lui fait voir autant de lumières et d’étincelles qu’il y en eut jamais. L’Africain sent sa force l’abandonner ; sa tête va toucher la croupe de son cheval ; il perd les étriers et, sous les yeux de celle