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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/55

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Rodomont, fou d’orgueil et de colère, s’était emparé à lui seul de toute la place. Dans son mépris de tels adversaires, il fait d’une main tournoyer son épée, et de l’autre, il lance la flamme.

Il frappe les portes élevées et superbes de la royale demeure, et les fait résonner sous ses coups. La foule qui s’y est réfugiée et se croit déjà morte, fait pleuvoir sur lui du haut des remparts les créneaux et les pans de murs. Personne ne regarde à détruire ce beau palais, et les morceaux de bois, les pierres, les tables en marbre, les colonnes et les poutres dorées, qui ont coûté si cher à leurs pères et à leurs ancêtres, tombent tous à la fois.

Le roi d’Alger se tient sur la porte, étincelant sous le clair acier qui lui recouvre la tête et le buste, Ainsi le serpent sorti des ténèbres après avoir dépouillé sa vieille peau, et fier de sa nouvelle écaille, se sent redevenu jeune et plus vigoureux que jamais. Il fait vibrer son triple dard, le feu brille dans ses yeux, et, partout où il passe tous les autres animaux lui font place.

Les rochers, les créneaux, les poutres, les flèches, les arbalètes, et tous les autres objets qui tombent sur le Sarrasin, ne peuvent ralentir sa main sanguinaire, qui ne cesse de secouer, de tailler, de mettre en pièces la grande porte. Il y fait une telle ouverture, qu’on peut facilement voir au travers que la cour est pleine de gens dont le visage est empreint des couleurs de la mort.

On entend retentir, sous les voûtes élevées et spacieuses, les cris et les lamentations des