Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femmes qui se frappent le sein et courent à travers le palais, pâles et gémissantes ; elles embrassent le seuil des appartements et les lits nuptiaux qu’elles devront bientôt abandonner aux barbares. C’est dans ce péril extrême qu’arrive le roi suivi de ses barons.

Charles se tourne vers ces mains robustes qu’il trouvait jadis promptes aux gigantesques travaux : « N’êtes-vous pas, — dit-il, — les mêmes qui combattîtes avec moi contre Agolant dans Apremont ? Vos forces sont-elles maintenant si épuisées que vous qui lui avez arraché la vie ainsi qu’à Trojan, à Almonte et à cent mille autres vous deviez redouter aujourd’hui un homme seul, un guerrier de ce sang, de cette race méprisable ?

« Serais-je condamné à voir aujourd’hui en vous moins de courage que je vous en ai vu autrefois ? Montrez à ce chien votre valeur, à ce chien qui dévore les hommes. Un cœur magnanime méprise la mort ; il lui importe peu qu’elle soit tardive ou prompte pourvu qu’elle soit glorieuse. Mais je ne puis rien craindre avec vous qui m’avez toujours rendu victorieux »

À ces mots, il baisse sa lance et pousse son destrier droit au Sarrasin. En même temps le paladin Ogier, Naymes, Olivier, Avin, Avolio, Othon et Bérenger, qu’on ne peut jamais voir l’un sans l’autre, se précipitent tous ensemble sur Rodomont et le frappent à la poitrine, au flanc, au visage.