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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/62

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rivage, comprend son malheur. Un profond silence règne tout autour de lui ; il retrouve les débris des tentes et des pavillons détruits, brisés en mille pièces ; il ne sait qui peut l’avoir ainsi dépouillé. Plein de crainte, il descend sur le bord de la mer, et voit ses matelots lever en toute hâte les ancres et tendre les voiles.

« Aussitôt qu’ils aperçoivent Norandin sur le rivage, ils envoient une barque pour l’emmener. Mais le prince ayant appris comment l’Ogre était venu le voler, sans penser à autre chose, prend la résolution de le poursuivre partout où il sera. Il éprouve tant de douleur de l’enlèvement de Lucine, qu’il veut la retrouver ou mourir.

« Il se dirige en toute hâte du côté où il voit des traces fraîches sur le sable, et, poussé par sa rage amoureuse, il arrive enfin à la caverne dont je vous ai parlé et où nous attendions, dans une angoisse sans égale, le retour de l’Ogre. Au moindre bruit, il nous semblait qu’il revenait, plus affamé que jamais, pour nous dévorer.

« La fortune voulut que le roi arrivât à la demeure de l’Ogre pendant que la femme de ce dernier s’y trouvait seule sans lui. Dès qu’elle le voit : « Fuis, — lui crie-t-elle — malheur à toi si l’Ogre t’attrape. » « Qu’il m’attrape ou non, — répond-il, — qu’il me tue ou que je lui échappe, je n’en serai pas plus malheureux. Ce n’est point parce que je me suis trompé de chemin, mais parce que je désire mourir à côté de mon épouse, que je suis venu ici. »