Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/63

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« Puis il lui demande des nouvelles de ceux qui ont été pris par l’Ogre sur le rivage, et avant tous les autres il s’informe de la belle Lucine, si elle est morte, ou si elle est seulement retenue captive. La femme lui parle avec humanité et le rassure. Elle lui dit que Lucine est vivante, et qu’il n’a pas à craindre de la voir mourir, car l’Ogre ne dévore jamais de femme.

« Je puis, —. ajouta-t-elle, — t’en servir de preuve, ainsi que toutes celles qui sont avec moi. Jamais l’Ogre ne fait de mal ni à elles ni à moi, pourvu que nous ne cherchions pas à nous échapper de cette caverne. À celles qui tentent de fuir, il se montre impitoyable, et ne les laisse plus jamais en repos. Il les enterre toutes vives, ou bien il les enchaîne, et les expose nues au soleil sur le sable.

« Lorsque aujourd’hui il a amené ici tes compagnons, il n’a point séparé les hommes des femmes, mais il les a tous enfermés pêle-mêle dans cette caverne. Il reconnaîtra bien au nez la difFérence des sexes. Les dames n’ont point à craindre d’être tuées ; les hommes, au contraire, peuvent s’attendre à une mort certaine ; ses dents avides en dévoreront quatre ou six par jour.

« Je n’ai pas à t’apprendre comment tu pourrais enlever ton épouse d’ici ; contente-toi de savoir que sa vie n’est pas en danger, et qu’elle partagera la bonne et la mauvaise fortune. Mais, au nom de Dieu, va-t’en, mon fils, va-t’en avant