Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/72

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par ici appartiennent depuis longtemps au Christ.

Si vous voulez qu’on vous prenne pour des chrétiens, ô vous tous qui vous proclamez catholiques, pourquoi tuez-vous des hommes soumis au Christ ? Pourquoi les dépouillez-vous de leurs biens ? Pourquoi ne reprenez-vous pas Jérusalem qui vous a été enlevée par des renégats ? Pourquoi laissez-vous Constantinople et la plus belle partie de l’univers occupées par le Turc immonde ?

N’as-tu pas, ô Espagne, l’Afrique pour voisine, et ne t’a-t-elle pas fait subir plus de maux que l’Italie ? Cependant, pour dévaster notre malheureux pays, tu renonces à ce qui devrait être pour toi la première et la plus belle des entreprises ! Et toi, Italie, sentine infecte de tous les vices, tu dors ivre, et tu ne rougis pas de te voir devenue l’esclave tantôt d’une nation, tantôt d’une autre, qui toutes te furent asservies.

Si la crainte de mourir de faim dans tes tanières, ô Suisse, t’amène en Lombardie, et te fait chercher parmi nous quelqu’un qui te donne du pain ou qui te délivre de ta misère en te menant à la mort, sache que les Turcs et leurs immenses richesses ne sont pas loin. Chasse-les d’Europe, ou déloge-les tout au moins de la Grèce : ainsi tu pourras te rasseoir, ou tomber avec plus de gloire.

Ce que je te dis, je le dis aussi à l’Allemand ton voisin. En Turquie sont les richesses que Constantin transporta de Rome. Il y porta ce qu’il y avait de meilleur, et il lui fit don du reste. Le Pactole et l’Hermus, d’où l’on extrait l’or fin, la