Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/74

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ajouté à ces armes, une soubreveste d’un fort beau tissu et ornée de tant de perles, de pierreries et d’or, qu’ elle valait plusieurs trésors à elle seule.

Si le roi avait connu la valeur de l’armure qu’il avait entre les mains, il l’aurait estimée bien au-dessus de toutes les autres, et ne l’aurait pas offerte comme prix de la joute, quelque libéral, quelque généreux qu’il fût. Il serait trop long de vous dire ici par qui elle avait été si dédaigneusement laissée au-milieu de la route, à la merci du premier passant.

Je vous raconterai cela plus loin ; j’aime mieux vous parler maintenant de Griffon. À son arrivée, plus d’une lance avait déjà été rompue, plus d’un coup de pointe ou de taille avait été donné. Huit des plus chers et des plus fidèles amis du roi avaient formé une association. C’étaient tous de jeunes seigneurs fort habiles sous les armes, et de familles illustres.

Ils devaient, pendant tout un jour, tenir en champ clos contre tous ceux. qui se présenteraient, d’abord avec une lance, puis avec l’épée et la masse, jusqu’à ce qu’il plût au roi de faire cesser le jeu. Il arrivait bien parfois que les cuirasses étaient traversées dans ces jeux, où l’on se battait avec autant d’ardeur que s’il se fût agi d’ennemis mortels. Il est vrai que le roi pouvait séparer les combattants quand il voulait.

Le chevalier d’Antioche, homme sans jugement — le couard se nommait Martan — comme s’il eût, au contact de-Griffon, acquis la force de ce