Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son brutal ravisseur, et en tirer une cruelle vengeance.

La Jalousie avait rencontré ce nain, et après avoir appris le motif de son voyage, elle s’était mise à le suivre, estimant qu’elle aurait son profit dans l’affaire. La Discorde fut charmée de sa rencontre avec la Jalousie, mais elle le fut encore davantage, quand elle sut dans quelle intention elle venait. Elle comprit qu’elle pourrait l’aider beaucoup dans ce qu’elle voulait faire.

Elle se dit que l’occasion est belle pour faire de Rodomont et du fils d’Agrican deux ennemis mortels. Elle trouvera d’autres motifs pour brouiller les autres chefs sarrasins ; celui-ci est excellent pour diviser les deux guerriers en question. Elle s’en vient avec le nain à l’endroit où le bras du fier païen avait failli détruire Paris, et tous ensemble ils arrivent sur le bord, juste au moment où le cruel sort du fleuve.

Dès que Rodomont a reconnu le messager ordinaire de sa dame, il sent sa colère s’éteindre ; son front se rassérène, et le courage seul brûle dans son âme. Il s’attend à tout autre chose qu’à apprendre qu’on a fait outrage à Doralice. Il va à la rencontre du nain,et, joyeux, lui dit : « Que devient notre dame ? Où t’envoie-t-elle ? »

Le nain répond : « La dame n’est plus tienne ni mienne, car elle est l’esclave d’un autre. Hier, nous avons rencontré sur notre route un chevalier qui nous l’a enlevée de force, et l’a emmenée avec lui. » À cette nouvelle, la Jalousie se glisse dans