Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/103

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tour à tour assaillis par les lames qui surgissent altières et menaçantes. Leur blanc troupeau court sur la mer en mugissant. Les passagers s’attendent à chaque instant à périr, tellement sont nombreuses les vagues qui les frappent.

Le vent souffle, tantôt à l’avant, tantôt à l’arrière, chassant le navire devant lui, ou le faisant revenir sur ses pas ; parfois il le prend en travers, et le naufrage paraît alors imminent à tous. Le matelot assis au gouvernail pousse d’énormes soupirs ; son visage est pâle et troublé. Il multiplie en vain ses cris ; en vain il fait signe de la main, tantôt de virer, tantôt de descendre les antennes.

Mais les signes et les cris servent à peu de chose ; la nuit, rendue plus obscure par la pluie, empêche de les voir et de les entendre. La voix se perd dans les airs où monte l’immense clameur des passagers, mêlée au fracas des ondes qui se brisent les unes sur les autres ; de la proue à la poupe, de bâbord à tribord, il est impossible d’entendre les cris de commandement.

Le vent, qui siffle avec rage dans les agrès, produit d’horribles sons. L’air est sillonné d’éclairs fréquents, le ciel retentit d’épouvantables coups de tonnerre. Les uns courent au gouvernail, les autres saisissent les rames ; chacun s’emploie selon ce qu’il sait faire ; ceux-ci s’efforcent de délier les câbles, ceux-là de les amarrer ; d’autres vident l’eau, et la rejettent dans la mer.

L’horrible tempête hurle, excitée par la fureur soudaine de Borée. La voile flagelle le long des