Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/104

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mâts ; la mer se soulève et atteint presque le ciel. Les rames se brisent, et la fortune cruelle semble redoubler de rage ; la proue n’obéit plus au gouvernail, et laisse le navire sans défense à la merci des flots.

Tout le côté droit est envahi par l’eau, et est prêt à s’abîmer. Tous crient et se recommandent à Dieu, car leur perte est plus que certaine. La mauvaise fortune les fait tomber d’un péril dans un autre. Le premier à peine évité, un second se présente. Le navire, fatigué dans toutes ses parties, laisse passer dans ses flancs l’eau ennemie.

La tempête livre de tous côtés aux malheureux un assaut cruel, épouvantable. Parfois ils voient la mer s’élever si haut, qu’il semble qu’elle atteigne le ciel. D’autres fois, l’onde se creuse si profondément sous leurs pieds, qu’ils croient voir s’entr’ouvrir l’enfer. Leur espérance de salut est nulle ou bien petite, et la mort inévitable est devant eux.

Toute la nuit, ils errent çà et là sur la mer, au gré du vent qui, loin de cesser au lever du jour, redouble au contraire de violence. Soudain, un écueil dénudé leur apparaît ; ils veulent l’éviter ; mais cela ne leur est pas possible. Le vent cruel et la tempête sauvage les portent malgré eux droit dessus.

À trois ou quatre reprises, le pâle nocher déploie toute sa vigueur pour changer le gouvernail de direction, et prendre une route moins dangereuse. Mais la barre se rompt, et est enlevée par la mer. Le vent furieux enfle tellement la voile, qu’il est