Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/105

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impossible de la larguer peu ou prou. En ce péril mortel, ils n’ont le temps ni de réparer leurs avaries, ni de tenir conseil.

Quand ils ont compris que la perte du navire est inévitable, chacun s’occupe uniquement de son salut, chacun cherche à sauver sa vie. C’est à qui descendra le plus vite dans la chaloupe ; mais celle-ci est tellement alourdie par la foule qui s’y entasse, que c’est avec beaucoup de difficultés qu’on l’a fait passer par-dessus bord.

Roger voyant le commandant, le patron et les autres abandonner en toute hâte le navire, et se trouvant sans ses armes et en simple pourpoint, veut aussi s’embarquer sur la chaloupe. Mais elle lui parait déjà beaucoup trop chargée ; grâce aux personnes qui s’y pressent déjà et à celles qui ne cessent de s’y jeter, le bateau ne tarde pas à être submergé, et à couler avec sa charge.

Il coule et entraîne tous ceux qui, fondant leur espoir sur lui, ont quitté le navire. Alors, au milieu des plaintes douloureuses, on entend les malheureux naufragés demander secours au ciel ; mais ces voix sont vite étouffées, car la mer, pleine de rage et de colère, a bientôt balayé la place d’où s’échappent ces cris lamentables et impuissants.

Parmi les naufragés, les uns ne reviennent plus à la surface ; les autres reparaissent et se soulèvent sur les lames. Celui-ci nage et tient la tête hors des flots, celui-là montre un bras, cet autre une jambe. Roger, que les menaces de la tempête ne font point trembler, remonte sur l’eau,