Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/116

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Et que cet acte de trahison resterait si caché, que le bruit n’en transpirerait pas au dehors, la victime devant être enterrée sur le lieu même où elle serait tombée sous les coups de la race félonne. C’est pourquoi la mort de Roger ne serait vengée que fort tard par sa sœur et par son épouse fidèle, après que celle-ci, portant un enfant dans son sein, aurait longuement cherché son époux.

Entre l’Adige et la Brenta, au pied des collines qui plurent tant au Troyen Anténor avec leurs veines de soufre, leurs douces rives, leurs gras sillons et leurs prairies agréables, qu’il oublia pour elles le sublime Ida, son regretté Ascagne et son cher Xante, Bradamante accoucherait au milieu des forêts voisines du froid Ateste.

L’enfant mis par elle au monde, et nommé aussi Roger, croîtrait en beauté et en vaillance, serait reconnu par ces Troyens comme étant de leur sang, et élu par eux pour leur prince. Plus tard, ayant prêté son concours à Charles contre les Lombards, il recevrait, malgré sa jeunesse, le gouvernement de ce beau pays, et serait honoré du titre de marquis.

Et Charles, au moment où il octroierait cette faveur, ayant dit en latin : Este seigneurs là, ce beau lieu serait depuis ce temps appelé Este, en supprimant les deux premières lettres de son ancien nom d’Ateste. Dieu avait encore prédit à son serviteur l’âpre vengeance que l’on tirerait de la mort de Roger.

Il lui avait révélé que Roger apparaîtrait dans