Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/150

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de la grâce, ou de la beauté, ou de la majesté du visage, indice de son grand esprit et de son honnêteté. « Celui qui voudra — disait l’inscription gravée sur le marbre — parler d’elle comme il convient qu’on en parle, entreprendra la plus honorable des tâches, mais sans pouvoir jamais arriver jusqu’au bout. »

La statue, douce et pleine de grâce, semblait s’indigner d’être célébrée dans un chant humble et bas par l’esprit grossier qu’on lui. avait donné — je ne sais pourquoi — sans personne à côté de lui, pour le soutenir. Tandis que sur toutes les autres statues on avait sculpté leur nom, l’artiste avait omis de le faire sur ces deux dernières.

Toutes ces statues entouraient un espace rond, pavé de corail, maintenu constamment dans une fraîcheur délicieuse par l’eau pure et limpide comme du cristal qui s’échappait au dehors par un canal. Ce canal allait féconder, en l’arrosant, un pré aux riantes couleurs vertes, azurées, blanches et jaunes. L’eau, courant par de nombreuses rigoles, portait la vie aux plantes et aux arbrisseaux.

Le paladin se tenait à table, raisonnant avec son hôte si courtois ; de temps en temps, il lui rappelait de tenir sans plus différer ce qu’il lui avait promis. En attendant, il le regardait, et il avait remarqué qu’il avait le cœur oppressé d’un grand chagrin, car il ne se passait guère de moment sans qu’un cuisant soupir s’échappât de ses lèvres.

Souvent la parole, poussée par le désir, vint