Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/157

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solitaire, il y fit bâtir ce palais si ample et si riche, de la main de démons évoqués par ses enchantements.

« Il fit élever sa fille par de vieilles femmes réputées pour leur chasteté. Celle-ci devint par la suite d’une grande beauté. Non seulement son père ne permit pas qu’on lui laissât apercevoir un homme, mais il défendit qu’on en prononçât le nom devant elle. Afin de lui mettre un continuel exemple sous les yeux, il fit sculpter ou peindre l’image de toutes les dames qui ont su résister à un amour coupable.

« Il ne se borna pas à faire représenter celles qui par leur vertu ont été l’honneur des premiers âges, et dont l’histoire ancienne a consacré à jamais la renommée ; il voulut aussi y faire figurer les dames dont les mœurs pudiques devaient dans l’avenir illustrer l’Italie. En raison de leur belle conduite, il fit élever leur statue, comme les huit que tu vois autour de cette fontaine.

« Quand le vieillard jugea que sa fille était un fruit assez mûr pour que l’homme pût le cueillir, je fus, soit malechance, soit hasard, choisi entre tous par lui comme le plus digne. Outre ce beau château, tous les champs, tous les étangs à vingt milles à la ronde me furent donnés comme dot de sa fille.

« Celle-ci était aussi belle et aussi bien élevée qu’on pût le désirer. Elle surpassait Pallas pour les travaux à l’aiguille et la broderie ; à la voir marcher, à l’entendre parler ou chanter, on aurait dit