Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire comment, elle changea complètement mon visage, ma voix et mes cheveux.

« J’avais auparavant fait semblant, devant ma femme, de partir pour le Levant. Ayant ainsi pris la démarche, la voix, les vêtements et la physionomie du jeune amoureux, je m’en revins chez moi, accompagné de Mélisse, qui s’était elle-même transformée en jeune domestique. Elle avait porté avec elle les plus riches pierreries qu’eussent jamais envoyées en Europe les Indiens ou les Érythréens.

« Moi qui connaissais les êtres de mon palais, j’entrai sans obstacle, suivi de Mélisse, et je pénétrai d’autant plus facilement près de ma femme, qu’elle n’avait autour d’elle ni écuyer ni dame de compagnie. Je lui expose mes désirs, et je m’efforce de la pousser à mal faire, en lui mettant sous les yeux les rubis, les diamants et les émeraudes qui auraient ébranlé les cœurs les plus fermes.

« Et je lui dis que tous ces présents étaient peu de chose comparés à ceux qu’elle devait attendre de moi. Puis je lui parle de la facilité qu’elle a, grâce à l’absence de son mari. Je lui rappelle que. depuis longtemps je l’aime, et qu’elle le savait bien. J’ajoute qu’un amour si fidèle est digne de recevoir enfin quelque récompense.

« Ma femme montra tout d’abord un grand courroux ; elle rougit et ne voulut pas en écouter davantage. Mais, à l’aspect des belles pierreries qui lançaient des étincelles comme si c’eût été du