Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/165

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mais elle finit par s’impatienter d’être haïe de moi, qu’elle disait aimer plus que sa vie, et, pour fuir un tourment inutile, elle ne tarda pas àquitter ces lieux et à abandonner le pays. Depuis, on n’en a plus entendu parler. »

Ainsi narrait le triste chevalier. Quand il eut fini son histoire, Renaud resta quelque temps pensif, vaincu de pitié, puis il lui fit cette réponse : « En vérité, Mélisse te donna un aussi mauvais conseil que si elle t’avait proposé d’aller visiter un essaim de guêpes, et toi tu fus peu avisé d’aller chercher ce que tu aurais été très fâché de trouver.

« Si la cupidité a poussé ta femme à te manquer de fidélité, ne t’en étonne pas : ce n’est pas la première, ni la cinquième qui ait succombé en un si grand combat. Il en est de plus vertueuses qui, pour un moindre prix, se laisseraient entraîner à des actes plus coupables encore. Combien d’hommes n’as-tu pas entendu accuser d’avoir pour de l’or trahi leurs maîtres ou leurs amis ?

« Tu ne devais pas l’attaquer avec de si puissantes armes, si tu voulais la voir résister. Ne sais-tu pas que, contre l’or, le marbre et l’acier le plus dur ne peuvent tenir ? Tu as été, à mon avis, plus coupable en essayant de la tenter, qu’elle en succombant si vite. Si c’eût été elle qui t’eût tenté, je ne sais si tu aurais été plus vertueux. »

Ici Renaud mit fin à son discours et, se levant de table, il demanda la permission d’aller dormir.