Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/166

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Son intention était de se reposer un peu, puis de partir une heure ou deux avant le jour. Il avait peu de temps à lui, et le peu qu’il avait, il l’employait avec beaucoup de mesure et ne perdait pas une minute. Le châtelain lui dit qu’il pouvait aller se reposer à sa fantaisie,

Car sa chambre et son lit étaient tout préparés ; mais que, s’il voulait suivre son conseil, il pourrait dormir tranquillement toute la nuit, tout en avançant de quelques milles pendant son sommeil. « Je te ferai — lui dit-il — préparer un bateau sur lequel tu pourras dormir à l’abri de tout danger, et qui, descendant le fleuve pendant toute la nuit, te fera gagner une journée de chemin. »

La proposition plut à Renaud, qui s’empressa de l’accepter, et remercia vivement son généreux hôte. Puis, sans plus de retard, il descendit sur la rive où les marins l’attendaient. Il put ainsi reposer tout à son aise, pendant que le bateau, poussé par six rameurs, descendait le cours du fleuve, léger et rapide comme l’oiseau dans les airs.

Dès qu’il eut la tête sur l’oreiller, le chevalier de France s’endormit. Quand il se réveilla, le bateau était déjà près de Ferrare. On laissa Melara sur la rive gauche, et Sermido sur la rive droite ; on dépassa Figarolo et Stellata, là où le Pô fougueux se divise en deux bras.

Le patron s’engagea dans le bras de droite, laissant celui de gauche qui se dirigeait du côté de Venise. Il dépassa Bondeno, et déjà l’on voyait à l’Orient pâlir l’azur du ciel, et l’aurore,