Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/169

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justice de tes princes ; qu’elle te garde de la fureur de tes ennemis, et dévoile leurs projets perfides ; que tes voisins envient ton bonheur, et que tu n’aies toi-même à porter envie à aucune autre cité ! »

Pendant que Renaud parlait ainsi, le bateau léger fendait si rapidement les ondes, que le faucon, rappelé par son maître, ne descend pas plus vite à l’aspect du leurre. Le patron s’étant engagé dans un des canaux de droite, les murs et les toits de la bourgade disparurent soudain, et on laissa bien loin en arrière Saint-George, ainsi que la tour de la Fosse et de Gaïbana.

Comme d’habitude une pensée en amène une autre et ainsi de suite, Renaud vint alors à se rappeler le chevalier dans le palais duquel il avait soupé la veille, et qui, à dire vrai, avait de justes raisons pour se plaindre de cette ville. Il se rappela la coupe où chacun, en buvant, pouvait s’assurer de la conduite de sa femme.

Il se souvint aussi de ce que lui avait dit le chevalier, à savoir que parmi tous ceux qui avaient fait l’expérience de la coupe, il ne s’en était pas trouvé un seul dont la poitrine n’eût été inondée. Tantôt il se repentait de n’avoir point tenté l’épreuve, tantôt il se disait : « Je me réjouis de n’avoir point voulu courir une telle chance ; si l’épreuve avait réussi, je n’aurais fait que confirmer ma certitude ; si elle n’avait pas réussi, à quoi me serais-je exposé ?

« Je crois à la vertu de ma femme comme si j’en avais eu des preuves certaines, et je ne pour-