Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/195

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Roland, dont le beau-frère avait grand besoin des soins d’un médecin, et qui voulait donner à Brandimart une sépulture digne de lui, se dirigea vers la colline qui éclairait la nuit avec ses flammes, et répandait pendant le jour une fumée obscure. Les paladins ont le vent favorable, et ils ne tardent pas à aborder le rivage à main droite.

Grâce à la fraîche brise qui leur venait vent-arrière, ils levèrent l’ancre au déclin du jour, guidés par la taciturne déesse dont la corne lumineuse leur montrait le droit chemin. Ils abordèrent le jour suivant au rivage où s’étale la douce Agrigente. Là Roland fit préparer pour le soir du lendemain tout ce qu’il fallait pour la pompe des funérailles.

Après qu’il se fut assuré qu’on exécutait ses ordres, et voyant que la lumière du soleil avait disparu derrière l’horizon, Roland rejoignit la foule des nobles chevaliers accourus de toutes parts à Agrigente, sur son invitation. Le rivage resplendissait de torches enflammées, et retentissait de cris et de lamentations. C’est là que Roland avait fait déposer le corps de celui auquel, vivant ou mort, il avait voiié une si fidèle amitié.

Bardin, chargé d’années, se tenait, pleurant, auprès du cercueil. Il avait tellement versé de larmes à bord du navire, qu’il aurait dû en avoir les yeux et les paupières brûlés. Traitant le ciel de cruel, les étoiles d’infâmes, il rugissait comme un lion qui a la fièvre. De ses mains impitoyables,il s’arrachait les cheveux, et déchirait sa poitrine rugueuse.