Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/199

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le nombre de torches allumées qui s’y consumèrent. En se rendant à l’église cathédrale, le cortège, partout où il passait, arrachait des larmes de tous les yeux. Tant de beauté, tant de bonté, tant de jeunesse, émouvaient de pitié tous les sexes, tous les rangs, tous les âges.

On plaça le corps dans l’église. Puis, quand les femmes eurent versé sur lui des larmes impuissantes ; quand les prêtres eurent chanté l’eleison ; quand toutes les autres saintes prières eurent été dites, on le déposa sur un cercueil porté sur deux colonnes, et que Roland fit recouvrir d’un riche drap d’or, en attendant qu’on pût le mettre dans un sépulcre d’un plus grand prix.

Roland ne quitta point la Sicile avant d’avoir envoyé chercher les porphyres et les albâtres, et fait faire sous ses yeux le dessin du monument par les meilleurs maîtres de l’art qu’il paya grandement. Puis, après le départ de Roland, Fleur-de-Lys fit dresser les plaques commémoratives, et les grands pilastres qu’elle fit transporter des rivages africains.

Voyant que ses larmes ne s’arrêtaient point, et que ses soupirs continuaient plus que jamais à s’exhaler de son sein ; sentant que les offices et les messes qu’elle faisait constamment ne parvenaient point à calmer ses regrets, elle résolut de ne plus quitter ces lieux, jusqu’à ce que son âme se séparât de son corps. Elle fit construire une cellule dans le sépulcre même, s’y renferma, et y passa sa vie.