Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de se trouver au faîte. On en a vu qui, après avoir la tête presque sur le billot, ont donné, quelques jours après, des lois au monde. Servius, Marius et Ventidius l’ont montré dans l’antiquité, et, de notre temps, le roi Louis ;

Le roi Louis, beau-père de mon duc, qui, mis en déroute à Saint-Albin, tomba entre les griffes de son ennemi, et fut près d’être décapité. Quelque temps auparavant, le grand Mathias Corvin échappa à un péril semblable. Cependant, une fois le danger passé, le premier devint roi des Français, et le second roi des Hongrois.

On voit par ces exemples, dont fourmille l’histoire ancienne et moderne, que le bien suit le mal et que le mal suit le bien ; que le blâme ou la gloire sont la conséquence l’un de l’autre ; et que l’homme ne doit pas se reposer sur ses richesses, sur son royaume, sur ses victoires, pas plus qu’il ne doit désespérer dans la fortune contraire, car la roue tourne toujours.

La victoire que Roger avait remportée sur Léon et sur l’empereur son père l’avait rendu tellement confiant dans sa fortune et dans sa grande vaillance, que, sans compagnons pour lui venir au besoin en aide, il pensait pouvoir traverser seul plus de cent escadrons de cavaliers et de fantassins, et occire de sa main le fils et le père.

Mais celle qui ne permet pas que l’on escompte ses faveurs, ne tarda pas à lui montrer qu’elle abat aussi vite qu’elle élève, et qu’elle devient contraire ou amie avec la même promptitude.