Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/36

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blâme et l’ignominie. Et si sa dame se fût obstinée à le faire rester auprès d’elle, elle aurait montré clairement par là, ou qu’elle l’aimait peu, ou qu’elle avait peu. d’intelligence.

Car si l’amante doit estimer la vie de son amant plus ou autant que sa propre vie — je parle d’une amante profondément atteinte par le coup qu’Amour lui a porté — elle doit mettre l’honneur de son amant autant au-dessus du plaisir qu’elle peut recevoir de lui, que l’honneur l’emporte sur la vie et sur tous les autres plaisirs.

Roger fit son devoir en suivant son seigneur ; il n’aurait pu sans ignominie s’en affranchir, car il n’avait aucun motif pour l’abandonner. Si Almonte avait fait périr son père, une telle faute ne devait pas rejaillir sur Agramant qui avait, par ses bienfaits innombrables envers Roger, racheté le crime de ses pères.

Roger fit son devoir en retournant vers son prince. Bradamante fit aussi le sien en ne cherchant pas à le retenir, ainsi qu’elle l’aurait pu, par ses prières instantes. Roger satisfera plus tard au désir de sa dame, s’il ne peut le faire en ce moment. Mais quiconque manque un seul instant à l’honneur, ne pourrait en cent et cent années racheter sa faute.

Roger retourna à Arles où Agramant avait rallié les troupes qui lui restaient. Bradamante et Marphise, qui s’étaient liées d’une grande amitié, allèrent ensemble trouver le roi Charles. Celui-ci avait rassemblé toutes ses forces, dans l’espoir de débarras-